« Affaire » Beltrame : tu seras une victime, mon fils !

Le 23 mars 2018, Radouane Lakdim, un salafiste de 25 ans réputé « calme » et « sympa » par son entourage, mais suivi depuis quelque temps par la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure), se lançait dans un périple meurtrier qui le pousserait à se retrancher, sous couvert d’otages, dans le Super U de la ville de Trèbes. Arrivé sur les lieux avec des membres du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Carcassonne, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame prenait volontairement la place d’une otage. Quelques heures plus tard, il le paierait de sa vie dans des conditions particulièrement abominables, avant que l’assaut ne soit donné et le terroriste abattu.

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Deux poids…

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Depuis 2018, des dizaines de voies, de places ou d’écoles ont été rebaptisées du nom de l’officier, promu à juste titre héros national. Aux yeux de la plupart des Français, le fait qu’un compatriote donne sa vie pour un autre était devenu suffisamment rare et même anachronique pour être digne d’admiration, d’honneurs et d’ex-voto. Les élus devaient suivre et entretenir publiquement le souvenir de cet acte courageux et généreux, chacun à sa manière. Des commémorations ont eu lieu aux quatre coins de la France, dont certaines ont été l’objet de polémiques. À Béziers par exemple, il a été reproché à la mairie l’expression employée : « héros français, victime du terrorisme islamiste ».

Certains n’ont pas manqué à cette occasion de rappeler que le maire de Béziers, Robert Ménard, avait des accointances avec l’extrême droite. Néanmoins, d’autres villes, ont opté pour la même formulation, comme ici, aux Herbiers, en Vendée :

Là encore, certains ont pu relever une proximité idéologique entre la maire de la commune et Philippe de Villiers. À Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, rebelotte : les mots ne passaient pas aux yeux de certains élus du Front de Gauche, dont l’un d’eux ajoutait : « le maire [Xavier Lemoine] poursuit ses provocations et inscrit dans le marbre sa vision de la guerre de religion ».

Faut-il rappeler, au passage, que pour qu’il y ait « guerre de religion », il faut avoir plusieurs cultes en présence ? Or il n’a été question que d’Allahu akbar dans ce fameux Super U, comme dans l’Hyper Casher trois ans auparavant. Peu importe, à l’annonce de l’intitulé de la plaque commémorative le 23 mai 2018, les élus en question quittaient la pièce, indignés. Certaines associations manifestaient aussi leur mécontentement, arguant que le terroriste n’avait rien à voir avec l’islam. Un peu plus qu’avec le bouddhisme quand même, serait-on tenté de leur répondre ! Et si ce terroriste s’était revendiqué de l’extrême droite, on ne se serait pas soucié de raccourcis et d’amalgames…

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… Deux mesures

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Le 26 févier 2020, Anne Hidalgo, maire de Paris, inaugurait quant à elle un jardin en hommage au lieutenant-colonel Beltrame. La plaque verte mentionne ceci : « assassiné lors de l’attentat terroriste du 23 mars 2018 à Trèbes (Aude), victime de son héroïsme ».

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Curieusement, personne ne s’en est indigné, ni dans la classe politique (et surtout pas à l’extrême gauche), ni dans les médias. Il aura fallu, huit mois plus tard, que de simples internautes relaient une photo sur les réseaux sociaux pour que les blancs montent en neige et que des gens comme Éric Naulleau ou Mohamed Sifaoui relaient ce qui s’apparente à une lourde faute politique. Pourtant, Paris passe beaucoup plus difficilement inaperçu que Montfermeil ou Les Herbiers !

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Comment expliquer ceci ? Par le confinement ? Non, il aurait bon dos. C’est que pour la maire de Paris, un « héros » est en soi une « victime ». Un migrant est par définition un héros. Un homosexuel, une femme, un travailleur immigré sont, en tant que figures archétypales de la population humaine la plus vulnérable, des « héros ». D’ailleurs, tout est fait ces dernières années pour faire rentrer le capitaine Alfred Dreyfus au Panthéon, où il n’a pourtant pas sa place. Il ne l’a pas car c’est une victime et que l’endroit est réservé aux héros, quels qu’ils soient. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas honorer sa mémoire. Cela signifie qu’il faut aménager d’autres lieux pour cela.

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Cette tendance à assimiler les victimes à des héros ordinaires imprègne bien plus qu’on ne le croit nos mentalités et nos mœurs. En témoigne notamment le fait de déboulonner des généraux pour y mettre en lieu et place des statues de femmes, d’esclaves ou de victimes de discriminations quelconques. Or avec une telle logique, Jean Moulin, autre figure de Béziers, n’a plus rien d’un héros. Pourquoi diable a-t-il refusé de parler quand il lui aurait suffi de tout dire à la Gestapo pour sauver sa peau ? Quel con ! Jean Moulin ? « Victime de son héroïsme ». Ça en ferait des rues à rebaptiser, n’est-ce pas ? Pas très « Charlie » tout ça.

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Plus généralement, le sacrifice de soi est aujourd’hui perçu comme fascisant. Tout simplement parce qu’il renvoie à l’attachement d’un individu à une communauté, le respect de l’autre au-delà du souci de soi, tout ce à quoi, finalement, ne nous accoutument plus nos droits individuels, procéduriers et victimaires.

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A posteriori, la classe politique est montée au créneau, bien souvent par pure démagogie. Le frère d’Arnaud Beltrame, lui, demande tout simplement à ce que soit évoqué sur la plaque commémorative le « terrorisme islamiste ». Une décision qui irait, bien sûr, à l’encontre de l’idéologie communautariste de la mairie de Paris, de son empressement à choyer la communauté musulmane et du rôle que jouent les gens comme Anne Hidalgo, à travers leur science des statues et des noms de rue, dans la politique bien française de victimisation et de réécriture de l’histoire au profit des damnés de la terre.