Depuis quelque temps, je voyais fleurir sur mon écran de télévision quantité de ces croisillons que l’on nomme dorénavant hashtags dans les milieux qui comptent. J’ai donc fini par me renseigner sur la finalité de la chose et j’ai été interpellé. Non content de faire l’effort d’honorer de ma patience ma redevance télé, on me conviait maintenant à suivre le troupeau par médias interposés. Et voici l’occasion d’un petit billet d’humeur…
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Ce que l’on qualifie communément de hashtags est symptomatique, il me semble, de nos modes de vie. Nous fonctionnons de plus en plus comme des atomes qui ne consentent à s’imbriquer en une molécule qu’aux mots d’ordre conformistes. Officiellement, ce “marqueur dièse” est un mot-clé dont nous devons l’emploi, dans ses formes et sa profusion, à Twitter, le “Web social” par excellence. Officieusement, c’est surtout la nouvelle arme de tous les préposés à la cause marchande, soucieux de mener les masses sur des chemins défrichés et balisés.
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La société libérale a beau n’adorer que l’ayant droit atomisé, il faut à ses chantres et à ses garants recourir à des artefacts agglutinants pour imposer – ni vu ni connu – un semblant d’ordre social. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler ici, on appelle cela l’“ingénierie sociale”. La religion en a longtemps été l’organe déclaré et assumé ; de nos jours, il s’agit davantage d’amener les masses à opérer divers choix qui leur sont suggérés par une propagande habile, tout en leur donnant l’illusion d’une volonté libre et raisonnée. Comme disait l’autre, nous sommes ainsi passés du “ferme ta gueule” au “cause toujours”.
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Néanmoins, il y va des comportements de chacun. C’est parce que nous sommes naturellement portés – par peur, paresse ou absence de réflexion – à n’être que des moutons que les ingénieurs sociaux sont légitimés à nous considérer comme tels. Par peur, car les pseudo-individus que nous sommes, reclus en permanence dans le souci d’un confort privé, paniquent à l’idée de perdre tout lien avec le troupeau. Par paresse, car ce sera toujours la pente du plus grand nombre ; or, celui qui instrumentalise le plus grand nombre, fût-ce par la facilité, passe inévitablement pour un grand « démocrate ». Quant à l’absence de réflexion, elle découle de tout ceci.
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Qu’est-ce, en somme, que le hashtag de plus en plus systématique ? Un énième signe extérieur d’ingénierie sociale, qui passe comme une lettre à la poste au regard du confort qu’il procure. Demain, nous verrons peut-être poindre au cœur de certaines émissions des #IcionestDémocrate, des #JevoteUtile, des #JefaisOùonmeditdeFaire, des #MetstaCapote, des #PourlaTolérance. Autant de manifestations subliminales d’un individualisme moutonnier devenu omniprésent, au rebours d’une réelle responsabilisation publique. Celle-ci est, de toute façon, hors de portée d’un régime politique comme le nôtre. Qu’en conclure ? Que le changement, le vrai, n’est pas pour maintenant. Il est pour demain.